Il y a quelques jours, le site MacRumor a révélé que Apple aurait entamé des discussions avec les assurances santé US pour permettre aux seniors de se faire rembourser l'Apple Watch. Dans sa dernière version elle propose des fonctionnalités très orientées santé, intégrant un détecteur de chutes et un ECG. Apple valorise ainsi la fiabilité de ses smartdevices et tente de les faire entrer dans la catégorie des dispositifs médicaux.
Apple négocie le remboursement de son Apple Watch aux USA. En France, qu'en est-il ?
Les attentes des français sur ce point sont claires : un sondage Odoxa indiquait dès 2015 que 67 % des français (et 81 % des patients) estimaient que les objets connectés de suivi de la santé devraient être remboursés, par la Sécurité sociale. Près de quatre ans plus tard, on ne peut que constater que nous sommes loin d'obtenir de réelles avancées en la matière.
Certaines complémentaires santé ont intégré à certaines de leurs offres une prise en charge d'objets connecté santé, mais côté Assurance Maladie, c'est beaucoup plus compliqué et lointain...
Un processus de remboursement complexe
Avant qu'un objet connecté médical ne puisse être remboursé, il va devoir être validé et l'étude de ses avantages et performances va passer par plusieurs étapes, très souvent longues et complexes.
Avant toute chose, les fabricants de smart devices médicaux vont devoir faire la démarche d'être conformes au Référentiel de bonnes pratiques sur les applications et les objets connectés en santé (mobile Health ou mHealth) émis par la Haute Autorité pour la Santé (HAS). Il est accompagné de 101 critères, organisés en 5 domaines. Ainsi, l'objet connecté devra notamment :
- Délivrer des données médicales fiables,
- Assurer la protection et le respect des données des utilisateurs,
- Être performant techniquement.
Un processus inadapté aux objets connectés médicaux ?
C'est à la fois la force et le drame des certifications des dispositifs médicaux : il peut se passer près d'une décennie entre la conception d'un produit et sa validation au titre de dispositif médical.Il faut également que le fabricant puisse prouver que son objet démontre une réelle plus-value par rapport à un appareil ou un traitement médical plus traditionnel.
C'est donc la jeunesse des objets connectés santé qui rend poussif leur processus d'agrément, par manque d'études cliniques sur les bénéfices attendus et sur les bénéfices réels qu'ils auraient pour la santé. Il faudrait ainsi compter une dizaine d'années avant d'envisager un remboursement par la Sécurité Sociale.
Heureusement il existe un dispositif dérogatoire, le « Forfait Innovation » prévu par l’article L. 165-1-1 (5) du Code de la sécurité sociale. Ce dernier permet la prise en charge précoce, dérogatoire et temporaire par l’assurance maladie d’une technique innovante : dispositifs médicaux (DM ou DMDIV) et/ou actes innovants. Certains fabricants ont ainsi bénéficié d'un agrément plus rapide et vu les patients se faire prescrire ce type d'objets. Malheureusement, cela reste encore marginal, aussi bien dans la variété d'objets proposés aux praticiens pour leurs patients, que dans l'usage qui en est fait.
Au delà du remboursement, la question cruciale des usages
Le développement des objets connectés médicaux est encore très récent et le secteur traditionnel de la médecine va devoir s'adapter pour intégrer ces innovations.
Sur ce point, nos pouvoirs publics ont conscience de l'intérêt de ces dispositifs et tentent de les intégrer à la stratégie Santé. Le rapport d’information du 10 janvier 2017 sur les objets connectés, élaboré dans le cadre de la mission d’information sur les objets connectés auprès de la Commission des affaires économique de l’Assemblée nationale, proposait de « Développer une stratégie e-santé de prévention à destination des populations fragiles ou particulièrement exposées à des risques sanitaires. Les objets connectés qui participent de cette politique de prévention pourraient être au moins partiellement pris en charge par la Sécurité sociale » (recommandation n°13).
Reste à convaincre les prescripteurs. Si de nombreux médecins voient un intérêt certain au développement d'applications santé et aux objets connectés médicaux, ils restent très prudents dans la promotion de leur usage. Les principales raisons avancées :
- Crainte de recommander un service ou un produit insuffisamment fiable,
- manque de formation à la santé connectée,
- manque d'information sur la manière de gérer toutes ces datas santé collectées.
Il manque donc aujourd'hui un pont entre les porteurs d'innovations et les prescripteurs. Ce lien pourra commencer à se créer sous l'impulsion des pouvoirs publiques mais ne se fera qu'avec l'adhésion des professionnels de santé. Espérons que nous puissions le construire rapidement, pour le bénéfice des patients !