Alors que le passage en phase épidémique est imminent, les médecins sont nombreux à s'interroger sur l'apparente insuffisance de mesures de protection qui leur sont proposées par le gouvernement.
Certains s'inquiètent pour leur santé, tout comme pour leur activité quotidienne et le suivi de leurs patients car un médecin a été confiné à Vannes suite à son contact avec un patient porteur du Covid-19.
Nous faisons le point sur ce qui est possible aujourd'hui et l'organisation qui en résulte pour la médecine de ville.
Les équipements de protection des médecins
Port du masque, désinfection des mains, combinaisons de protection : parmi les solutions proposées, quelles sont celles qui sont efficaces, comment se procurer le matériel nécessaire ?
Les masques FFP1 et FFP2
Les syndicats de médecins sont montés au créneau très rapidement sur le sujet : il est difficile voire impossible de se procurer des EIP (équipements individuels de protection) depuis plusieurs semaines, les français s'étant rués très tôt sur les stocks disponibles en pharmacie et certains fabriquants ayant livré leurs stockes de masques à la Chine qui a fortement fait grimper les prix d'achat pour se fournir.
Pour répondre à cette problématique, le gouvernement a annoncé le déstockage de 10 millions de masques issus des stocks constitués par l'Etat pour faire face à ce type de menace virale. Il a également annoncé la réquisition des masques sur tout le territoire.
Depuis mardi 3 mars dans les zones à risque, et d’ici à la fin de la semaine dans le reste du pays, les pharmacies délivreront ces masques exclusivement aux professionnels de santé ou à des patients munis d'une prescription médicale. Ainsi chaque professionnel de santé libéral pourra se rendre dans une officine, muni de sa carte CPS (carte professionnel de santé) pour retirer 50 masques chirurgicaux (de type FFP1 donc).
Masque FFP1 : porté par le médecin et son patient
Si le médecin ne dispose que de masques de type FFP1, il est recommandé qu'ils soient portés par le soignant et par le patient pour limiter les risques de contagion croisée. En effet le masque FFP1 ne protège pas du virus mais il en limite la dispersion dans l'air en retenant les excrétions.
Masque FFP2 : le meilleur moyen de protection ?
Plus étanche que son petit frère, le masque FFP2 est le premier masque qui permette une protection de la contamination par les voies respiratoires. Cela étant dit, il devrait s'accompagner du port d'une combinaison étanche à usage unique et de gants avec une vérification de l'étanchéité de l'ensemble. Il est donc difficile de gérer cet équipement au cabinet de ville. On favorisera plutôt la solution présentée ci-dessus avec des masques chirurgicaux pour les deux parties et une hygiène particulièrement soignée des mains.
Faut-il s'équiper de combinaisons ?
À ce stade les autorités ne préconisent pas le recours à ce type d'EPI en médecine de ville, ils sont réservés à la prise en charge de patients contaminés par le Covid-19, en milieu hospitalier. Néanmoins si le professionnel de santé fait le choix du port d'une combinaison, il devra s'assurer de la parfaite étanchéité de son équipement et vérifier que le fabricant a bien fait homologuer ses combinaisons pour une protection contre les virus. Le budget à prévoir est relativement élevé (environ 5€ la combinaison qui ne peut être portée qu'une seule fois).
Une organisation différente et le recours à la télémédecine face au virus
Lors de sa participation à une émission informative sur le Coronavirus (disponible en Replay sur France2 - Coronavirus Posez vos questions), le Ministre de la Santé, Olivier Véran, a fait mention de la nécessité de développer plus largement le recours à la télémédecine pour contenir la propagation du virus en évitant des déplacements inutiles de patients.
La téléconsultation pour orienter, rassurer, informer
Elle était déjà préconisée lors de l'épidémie de grippe pour limiter la contagion par les passages en salle d'attente, la téléconsultation s'applique de la même manière pour désengorger les cabinets médicaux et éviter la diffusion du virus en milieu confiné.
Cas d'usage de la téléconsultation lors de l'épidémie de coronavirus
Ces cas d'usage sont variés et adaptés au profil des patients :
- Téléconsultation avec des personnes fragiles : ici on réduit le risque de contamination pour le patient âgé ou malade en lui proposant une consultation distante, éventuellement avec l'aide d'un infirmier ou les proches aidants du patient. Voir l'exemple d'une médecin généraliste à Crac'h.
- Téléconsultation pour les "cas possibles" : lors de la prise de rendez-vous téléphonique, le motif évoqué par le patient pourra interpeller le praticien. Il peut proposer en priorité une téléconsultation pour échanger avec le patient sur ses symptômes, leur évolution, son éventuellement exposition au virus (zones rouges, retour de voyage, contact avec des personnes positives au virus). Le praticien évite donc d'être au contact d'un contaminateur possible et peut orienter le patient vers les services désignés (voir notre article Guide méthodologique Covid-19 : organiser la mobilisation des professionnels )
- Téléconsultation pour informer et rassurer : certains cabinet ont déjà noté une forte augmentation d'appels de patients en quête d'informations fiables. La téléconsultation permet de parler avec eux en vidéo, et de leur rappeler les consignes de prévention, notamment lorsqu'ils sont atteints d'affections graves comme le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou des cancers.
Les outils de télémédecine pour une prise en charge ambulatoire
Si le stade 3 était déclenché en France, une organisation différente serait retenue pour la prise en charge ambulatoire des patients positifs au virus mais ne présentant pas de signe de gravité (à ce jour 80% des patients ne présentent pas de signes de gravité - voir notre carte de France et bilan épidémiologique).
Les médecins de ville seraient alors en première ligne dans le suivi à domicile des patients. Le recours aux outils de télémédecine est donc particulièrement indiqué car il permet de :
- réaliser des téléconsultations régulières pour questionner le patient sur l'évolution de ses symptômes
- la récupération et l'agrégation de données collectées par des objets médicaux connectés) : oxymètre, tensiomètre, ECG, etc.
- la télésurveillance pour les malades fragiles