Déjà prévue par le décret de 2010, la télé-expertise est la pratique de télé-médecine qui consiste pour un professionnel de santé, à solliciter l'avis d'un ou plusieurs autres professionnels de santé dans le cadre de la prise en charge d'un patient. Cette pratique peut-être utilisée dans le suivi pluri-disciplinaire de patients âgés, atteints d'affections longue durée ou encore dans les déserts médicaux quand certaines spécialités font défaut.
Plusieurs expérimentations menées de 2010 à 2018 ont montré un réel impact de cette pratique qui permet une amélioration du suivi et une réduction des coûts de déplacement des patients. Prévue par l'avenant n°6 validé par la CPAM, les OCAM, la télé-expertise permettra à un médecin de solliciter l'avis d'un confrère dès le mois de février 2019. Cet acte de télé-médecine peut se faire entre un médecin généraliste et un médecin spécialiste mais également entre deux spécialistes qui auraient besoin d’échanger sur un cas particulier et d'affiner un diagnostic, l'interprétation de résultats d’analyses ou la possibilité de faire des examens complémentaires afin de décider du protocole de soin qui sera le plus adapté.
Grâce à la rémunération de la télé-expertise, le temps passé par ces professionnels sera désormais rémunéré, et même si cette pratique se faisait déjà de manière spontanée, elle pourra mieux se développer pour permettre aux patients d'être mieux pris en charge, dans des délais plus court. En outre, le remboursement des actes de télé-expertise assorti cette dernière d'une obligation de traçabilité des actes dont les comptes-rendus seront versés au dossier médical du patient.
À qui s'adresse la télé-expertise ?
Le recours à cette pratique est moins étendu que le recours à la télé-consultation. Elle sera ouverte à partir de février 2019 et - dans un premier temps - réservée à certains patients :
- Patients suivis dans le cadre d'une affection longue durée (ALD),
- Patients diagnostiqués avec des maladies rares,
- Patients résidant dans les déserts médicaux (zones sous-denses, ces zones sont définies par les ARS) dès lors qu’ils n’ont pas de médecin traitant ou s'ils rencontrent des difficultés à consulter rapidement,
- Patients résidants en établissements dédiés aux personnes agées dépendantes (EHPAD) ou dans des structures médico-sociales,
- Détenus dans les prisons françaises.
Selon les estimations de la CNAM, la télé-expertise sera ainsi ouverte en 2019 à un peu moins de 22 millions de personnes en France soit un tiers des français. Il faudra attendre 2020 pour son extension à l'ensemble des patients.
Modalités pratiques
Si la télé-consultation est conditionnée à un échange en vidéo pour être prise en charge, la télé-expertise peut se faire via un échange par messagerie sécurisée santé.
La télé-expertise pourra se faire en direct ou en différé. Le support de la messagerie sécurisée permet en effet au médecin requérant de partager le dossier médical du patient, ses conclusions et ses questions. Toutes les données médicales utiles peuvent être intégrées à l'échange (imagerie médicale, analyses biologiques, compte-rendus, etc.)
Tout comme pour la télé-consultation, un compte-rendu sera transmis par le médecin requis au médecin réquérant. Ce dernier l’ajoutera au dossier de son patient et dans la mesure du possible dans son DMP (Dossier Médical Partagé).
NB : il est impératif de prévenir le patient en amont de la télé-expertise pour recueillir son consentement à cet acte de télé-médecine.
Facturation & prise en charge
Le sujet de la télé-expertise a créé de nombreux différents entre les partenaires conventionnels lors des négociations 2018. Au final, l’accord qui a été adopté propose deux niveaux de tarification (tenant compte de la complexité du dossier soumis et de la fréquence à laquelle le médecin sera sollicité) :
- Niveau 1 : rémunération fixée à 12 € pour le médecin sollicité. Ce premier niveau concernera un avis donné sur une question circonscrite, sans nécessité de réaliser une étude approfondie d'une situation médicale. Par exemple : lecture de rétinographie, analyse de la photo d'un tympan, étude d'une spirométrie, titration des Beta bloquants dans l'insuffisance cardiaque, surveillance cancérologique simple... Il est à noter que cette prise en charge intervient dans la limite de 4 actes par an et par médecin, pour un même patient.
- Niveau 2 : rémunération fixée à 20 € pour le médecin sollicité. Cela concerne les avis circonstanciés, qui seront apportés en réponse à une situation médicale complexe, nécessitant une étude approfondie d'un dossier médical et d'un contexte clinique. Par exemple : la surveillance d’une plaie chronique en voie d’aggravation, suivi d’évolution d’une maladie inflammatoire chronique intestinale ou rhumatologique. Il est à noter que cette prise en charge intervient dans la limite de 2 actes par an et par médecin, pour un même patient.
- Pour le médecin sollicitant : il sera rémunéré pour avoir favorisé la coordination des soins autour du patient. Les rémunérations sont également calculées selon les niveaux ci-dessus, avec un montant fixé à 5 € (niveau 1) et 10 € (niveau 2). Cette rémunération est plafonnée à 500€ par an par médecin.
NB : Le patient n'est pas facturé de ces actes, qui sont gérés directement par l'Assurance Maladie. Les médecins requérants et requis seront donc remboursés directement mais l'acte sera tracé et visible dans le décompte Ameli du patient.
Le forfait structure : encourager l'équipement
Depuis plusieurs années, l'Assurance Maladie a mis en place un forfait structure destiné à accélérer, par son financement, la modernisation des équipements des professionnels de santé. La télé-médecine sera financée dès 2018 pour faciliter son déploiement et pour accélérer son usage par les professionnels. Le forfait prévoit désormais une aide forfaitaire qui sera versée aux médecins chaque année afin qu’ils puissent s'équiper pour cette nouvelle pratique. Sont concernés le financement des appareils médicaux connectés et les abonnements à un service sécurisé de téléconsultation. Le forfait structure est donc amendé de 2 nouveaux indicateurs, qui permettent d'être remboursé jusqu’à 525 € (175€ pour les appareils connectés et 350€ pour les solutions de télé-consultation).
L'anecdote à connaitre
Saviez-vous que la première expérience de télé-expertise a été réalisée avec succès dans les années 50 aux USA ? Des images radiologiques ont été transmises par les canaux téléphoniques. Découvrez notre dossier sur la télémédecine en France pour en savoir plus sur son historique et ses promesses !