Faut-il ou non prescrire des antithrombotiques pour prévenir les complications de la COVID 19 ? Telle est la question que se posent de nombreux généralistes… Et à laquelle un essai clinique américain tente enfin d’apporter une réponse ! Publié le 11 octobre 2021 dans le JAMA (Journal of the American Medical Association) il évalue plus précisément l’intérêt d’administrer de l’aspirine ou de l'apixaban en prévention des complications cardiovasculaires. Et force est de reconnaître que ses résultats ne sont pas très encourageants… Cependant, ils doivent être interprétés avec précaution : explications.
Pour bien commencer, sachez que l'essai clinique ambulatoire randomisé en double aveugle ACTIV-4B porte uniquement sur des patients :
En pratique, 588 patients américains ont pris activement part à l’essai. Ils ont tous reçus pendant 45 jours un traitement oral par :
L’écrasante majorité des patients n’a connu aucun problème particulier durant l’essai ou les jours suivants. Mais l’état de certains d’entre eux a tout de même empiré au sein des différents groupes. On déplore ainsi, entre autres, 1 infarctus du myocarde dans le groupe aspirine. Ou encore 2 hospitalisations cardiopulmonaires dans le groupe apixaban thérapeutique… Ce qui semble fort peu. Mais ce n’est pas beaucoup mieux que dans le groupe placebo ! En effet, les différences de risque par rapport au placebo ne sont finalement que de :
Les auteurs concluent donc que prescrire de l’aspirine ou de l’apixaban à titre préventif ne réduit pas significativement le risque d’accident cardio-pulmonaire. Ils soulignent également un risque hémorragique accru lié à l’utilisation de ces médicaments. Même si - fort heureusement - aucun incident majeur n’a eu lieu durant l’essai…
Certes, il semblerait que l’aspirine et l’apixaban n’ont guère d’intérêt pour prévenir les complications de la COVID-19. Cependant, retenez que cet essai n’a pas été mené jusqu’à son terme ! En effet, il devait inclure 7 000 patients à l’origine mais le NHLBI (National Heart, Lung and Blood Institute) l’a arrêté plus tôt que prévu, en raison du TRES faible taux d’incidents dans les différents groupes. En d’autres termes, il n’y avait tout simplement pas assez de données intéressantes à exploiter. Ce qui pose un premier souci : compte tenu du faible nombre de sujets, l’effet des traitements sur les différentes variantes de la COVID 19 n’a pas pu être examiné. Autre limite à souligner : l’administration des antithrombotiques débutait 7 jours après le diagnostic. On peut donc s’interroger sur leur taux d’efficacité quand ils sont utilisés plus rapidement !
Pour mieux évaluer l’action de ces médicaments dans le cadre de la médecine de ville, il faudrait compléter ces résultats avec d’autres études… Hélas, il s’agit du tout premier essai clinique mené sur le sujet. Il va donc falloir patienter avant d’obtenir d’autres informations ! Mais à titre indicatif, sachez qu’il existe déjà quelques études sur l’action des antithrombotiques chez les patients COVID 19 hospitalisés. Parmi elles, citons notamment celle menée par l’Université d’Oxford dans le cadre du vaste essai clinique Recovery. Englobant 15.000 patients hospitalisés, elle révèle que l’administration d’aspirine a également peu d’intérêt à l’hôpital. En effet, elle augmente à peine le taux de survie (75% contre 74% sans elle). De plus, l’aspirine a provoqué plusieurs événements hémorragiques majeurs durant l’essai…
A l’heure actuelle, il est difficile de recommander l’utilisation d’un antithrombotique pour prévenir les complications cardiovasculaires de la COVID 19. Même lorsque les patients en réclament pour se sentir mieux protégés… Cela étant dit, vous pouvez déjà les rassurer et les accompagner efficacement durant vos téléconsultations ! Pour cela, vous pouvez notamment leur rappeler que :
Tout en leur rappelant au passage l’importance des gestes barrières et du vaccin. Celui-ci reste à ce jour le meilleur traitement préventif !